lundi 2 juillet 2012

Arnaud Montebourg: industrie, commando et midinet

Arnaud Montebourg a donné le 1er juin au Monde une interview qui serait drôle si elle n'était affligeante. Le nouveau ministre du nouveau Redressement productif est un personnage au talent immense. Orateur hors pair, il est une sorte de mélange de Rastignac, de Don Quichotte et de Joseph Bara. Son phrasé aristocratique tranche avec ses positions radicales, son allure de jeune premier et ses cols blancs ne laissent guère présager au premier coup d'œil sa rouge vigueur démondialisatrice (quoiqu'il faudrait nuancer le mot de "vigueur" puisque, depuis qu'il est au gouvernement et qu'il est séparé d'Aquilino Morelle, de démondialisation, il n'est plus question).
Dans l'entretien qu'il a accordé au Monde, on est d'abord frappé par l'utilisation d'une rhétorique volontariste, voire guerrière ("Au quotidien, nous avons conçu une cellule en forme de commando composée de quatre personnes qui parent à l'urgence") : on croirait entendre un Nicolas Sarkozy en culottes de velours et bonnet phrygien. Dans la foulée, et par contraste, on n'est guère rassuré par sa manière de se barricader derrière la perspective, par ailleurs louable, du dialogue social renoué ("La conférence sociale est le lieu où ces problèmes doivent être traités"). Probablement que, dans la perspective des élections législatives, la prudence politique lui commandait d'en dire le moins possible. Peut-être était-ce aussi une manière de faire l'aveu précoce de son impuissance ? Comment comprendre autrement ses incantations ("je lance donc un appel aux chefs d'entreprises") et l'annonce de sa fatale résignation ("nous sauverons les emplois qui peuvent l'être") ?
L'absence globale de réflexion de fond, dans son discours, sur la manière d'adapter l'outil de production français aux enjeux actuels est suffisamment inquiétante pour qu'on n'ait pas à s'attarder sur cette formule tellement belle qu'on la croirait empruntée au répertoire de Dominique de Villepin : "il y a eu un temps pour l'égoïsme, il a même été au pouvoir au sommet de l'Etat. Maintenant nous sommes entrés dans le moment où les Français se donnent la main".

La situation exige pourtant d'un ministre autre chose que de délivrer un message de midinet.
L'industrie française peut-elle légitimement espérer que la nouvelle majorité saura décider et mettre en œuvre les éléments d'une stratégie industrielle qui aurait pour but de maintenir durablement l'activité sur le territoire national, voire même, mais a-t-on encore le droit de l'espérer ?, de développer et de renouveler l'outil de production ?
Peut-on considérer que les gesticulations qui ont permis de sauver (provisoirement) l'emploi dessalariés de Lejaby ou d'obtenir la "promesse" d'une "éventuelle" réouverture des hauts-fourneaux de Florange le cèderont, maintenant que la période électorale s'est achevée, à une véritable politique industrielle ?
Le diagnostic n'a rien de mystérieux : l'incompétitivité des entreprises françaises est connue et la précédente majorité a échoué à la résoudre. Le coût du travail est son catéchisme, l'inadaptation de la formation, son ressort, et l'obsolescence de l'outil de production sera demain, si rien n'est fait, son épitaphe. Plutôt que d'envoyer un commando spécial au chevet d'industries françaises exsangues, il est urgent d'alléger le coût du travail et de mettre l'appareil productif sur le chemin de la modernisation.
Sur ce dernier point, l'exemple allemand là encore est à méditer. L'Allemagne a en effet pris la décision difficile de se lancer dans la voie de la transition énergétique. C'est un pari coûteux, courageux, voire même, à en croire les réticences exprimées des deux côtés du Rhin, audacieux. Ce choix nécessite le développement d'industries nouvelles et de haute-technologie, ainsi que des investissements massifs dans les réseaux, les infrastructures et la recherche.
L'Allemagne en se lançant dans cette voie a accepté de courir un risque, le risque de l'échec. Mais si ce pari réussi, elle aura dans dix ans une avance colossale sur ses partenaires européens auxquels elle pourra alors vendre son matériel et son savoir-faire.
Le débat sur la transition énergétique prévu pour l'automne sera l'occasion d'impulser une dynamique écologique et industrielle, pourvu qu'il connaisse un sort meilleur que celui réservé hier au Grenelle de l'environnement et pourvu que le gouvernement préfère à la prudente inertie le risque du mouvement. Nous ne doutons pas que les bras d'Arnaud Montebourg s'agiteront alors pour faire tourner les éoliennes gouvernementales mais ne soyons pas dupes de ses vaines simagrées. Même aidé de 22 commissaires pompiers, son sort est scellé. A lui le privilège de se pâmer encore durant quelques mois devant les caméras et de se gonfler d'orgueil, mais il en subira bientôt l'inévitable châtiment.
Car Arnaud Montebourg ne doit pas se leurrer : François Hollande l'a élevé à cette haute fonction ministérielle comme on place un paratonnerre sur l'immeuble le plus haut de la ville. C'est sur lui que s'abattront la foudre et le discrédit quand il aura échoué à remplir sa mission impossible, incapable de sauver les Doux, les Caddie et les Technicolor. La télégénie croquignolesque ne saurait faire des miracles, il porte une croix trop lourde. François Hollande ne lui a pas tressé une couronne de lauriers mais une couronne d'épines. Arnaud Montebourg peut toujours se draper de rouge, son sort est scellé et il est déjà vêtu de blanc ainsi qu'un mort de son linceul.

1 commentaire:

  1. Mais que peut donc bien faire Arnaud Montebourg à part hausser le ton ? 

    Rien de très concret bien sur, vu que la France est liée par tous les traités européens qui ne lui permettent pas d'empêcher de délocaliser les entreprises, alors le ministre socialiste du "redressement productif" hausse le ton et s'indigne.

    Les 1200 employés du site PSA d'Aulnay-sous-Bois, par la voix de la CGT veulent plus, beaucoup plus.

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