jeudi 13 décembre 2012

Florange: pourquoi tant de mystère sur la rentabilité du site?


Alors que les syndicats affirment que Florange serait l'un des sites les plus rentables d'Europe, la direction continue de garder le secret sur la santé économique réelle des hauts-fourneaux. Un silence troublant.


La CFDT a dévoilé mercredi soir une note interne selon laquelle le site de Florange serait l'un "des plus rentables" du groupe sidérurgique.
La CFDT a dévoilé mercredi soir une note interne selon laquelle le site de Florange serait l'un "des plus rentables" du groupe sidérurgique.
REUTERS
C'est un document gênant pour la direction d'ArcelorMittal. Mercredi soir la CFDT a brandi une note interne selon laquelle le site de Florange serait l'un "des plus rentables" du groupe sidérurgique. "Nous l'avons toujours su mais cette fois, nous en avons la preuve formelle, signée de la main de la direction: Florange est parfaitement rentable", s'emporte Jean-Marc Vécrin de la CFDT, quelques heures avant la tenue du CCE exceptionnel sur l'avenir du site. A la différence de la CGT et de FO, il ne claquera pas la porte des négociations, mais on imagine l'ambiance...

Selon ce graphique, qui compare les coûts de production à la tonne (énergie, matières premières, transports...) de l'acier produit des sites de Florange, Gand, Dunkerque, les coûts du site lorrain seraient dans la moyenne européennes, moins élevés notamment que ceux de Brême ou de Liège.

Florange: pourquoi tant de mystère sur la rentabilité du site?
Le document interne révélé par les syndicats.





La performance serait d'autant plus notable, que, comme le soulignent les syndicats, le prix du transport de matière première à Florange (site situé à l'intérieur des terres à la différence des autres sites) pénalise de 24 euros le coût de la bobine à chaud. Déduction faite de ce surcoût, "Florange serait au même niveau que Gand, le meilleur élève de la classe ArcelorMittal", estime le Républicain Lorrain, le premier à avoir eu le document. "La performance industrielle du site lorrain fait plus que compenser le le désavantage logisitique de 24 euros la tonne", précise d'ailleurs le graphique ci-dessus.


Pour justifier la fermeture de la filière chaude de Florange- jugée moins rentable que la filière froide- ArcelorMittal avait souligné début octobre l'inconvénient de la position géographique de Florange, loin des ports, et "la capacité limitée de production du site qui impacte de manière négative les coûts fixes". Une thèse qui s'effondre donc en partie. Il estimait également qu'il fallait "se résoudre à l'idée que la phase liquide de Florange ainsi que sa production de brames ne sont plus compétitives dans le contexte de fortes surcapacités européennes".


Loin de se démonter, la direction a balayé le document, affirmant qu'il ne s'agissait pas d'un papier officiel et qu'en l'occurrence les informations y figurant étaient partielles car ne prenant "pas en compte les coûts complets". Il "ne contredit en rien le constat de non-rentabilité de la phase liquide de Florange et ne prouve en rien la profitabilité de cette partie du site car il ne prend pas en compte les coûts complets", explique le groupe dans un communiqué.


Et puis, comme le souligne ArcelorMittal, si Florange était rentable, pourquoi voudrait-elle le fermer? Imparable! Sauf que Mittal pourrait aussi vouloir devancer la chute des ventes, et réduire ses capacités de production de manière anticipée. "Depuis que Wolfgang Eder, PDG de Voestalpine et Président d'Eurofer, l'Association européenne des producteurs d'acier, a estimé qu'il était nécessaire de réduire les capacités de 20-25% dans un avenir relativement proche, tous les grands groupes se mettent en ordre de marche", observe ainsi un analyste.Silence chez ArcelorMittal... et au gouvernement


Sans aller jusqu'à remettre en cause les difficultés financières du sidérurgiste (qui a perdu 709 millions d'euros au troisième trimestre), on peut aujourd'hui s'étonner de la grande discrétion -c'est un euphémisme- de la direction sur les données économiques du site. Mais, curieusement, le mutisme est le même au gouvernement. Y compris au cabinet d'Arnaud Montebourg. "Il s'agit d'informations confidentielles, les seules informations publiques que nous pouvons communiquer figurent dans le rapport Faure(remis en juillet à Arnaud Montebourg ndlr)".


En l'occurrence, si ce denier explique très bien les difficultés du secteur et les spécificités (géographique, historiques...) du site, il ne donne malheureusement aucune information chiffrée sur la rentabilité de Florange. Une information précieuse toutefois pourrait bien apporter un peu d'eau au moulin des syndicats : "Florange se situait en 2008, lorsque les hauts-fourneaux fonctionnaient à pleine capacité, parmi les trois sites du groupe ArcelorMittal les plus performants en termes de coûts de production". Sauf qu'entre-temps, comme l'explique Pascal Faure, Mittal a pratiquement cessé d'investir sur le site, et les arrêts et redémarrages successifs des hauts fourneaux les ont rendus moins productifs. Des investissements qui rendraient ces équipements encore plus rentables, affirment les syndicats. En l'absence de ces données primordiales, il paraît en tout cas impossible d'avoir un avis tranché sur la situation de Florange.


Contacté par L'Expansion.com, le sidérurgiste n'a pas donné suite.
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ArcelorMittal : la CGT et FO claquent la porte du CCE

Paris, ce 13 décembre 2012. Les représentants de la CGT, tout comme ceux de FO, ont claqué la porte du CCE moins d'une heure après le début des discussions. | JP/Jacques Demarthon

La rencontre a tourné court. La direction d'ArcelorMittal, qui s'expliquait jeudi devant les représentants des salariés, n'a eu qu'une heure pour le faire, au terme de laquelle la  et FO ont claqué la porte du CCE extraordinaire pour manifester leur refus «catégorique» de l'accord du 30 novembre conclu entre le géant de l'acier et le gouvernement Ayrault
Désaccords sur l'accord. Accusant la direction de mener une politique de «casse industrielle et sociale», la CGT, premier syndicat du groupe, a appelé «les salariés partout sur les sites en à la mobilisation dans l'unité syndicale». Philippe Verbeke, délégué CGT, a demandé aussi que «Lakshmi Mittal ait le courage de venir voir les salariés». Pour FO, Norbert Cima a indiqué que son syndicat «ne reconnaît pas la légitimité de l'accord». La CGT et FO avaient déjà annoncé leur décision de bouder les travaux de la commission de suivi des engagements, créée non pour «renégocier» l'accord mais pour veiller à sa bonne application et confiée au sous-préfet de Thionville (Moselle) François Marzorati. Après l'annonce de l'accord, les salariés avaient également appris par la presse le retrait par Mittal du projet expérimental Ulcos de captage/stockage de CO2 à Bruxelles.

«Les salariés ont besoin de plus de détails». A son arrivée jeudi, Jean-Marc Vécrin, délégué central CFDT, a déclaré à que les salariés ont «besoin de beaucoup plus de détails». Le délégué a promis de poser des «questions précises» à la direction notamment sur «la pertinence du transfert d'activité» du site de Basse-Indre (Loire-Atlantique) vers Florange, et le volet social. «On voudrait aborder la question des mesures d'âge et s'assurer que les départs se feront sur la base du volontariat», a-t-il dit. La CFDT comme la CFE-CGC s'inscrivent eux en partenaires pour le suivi des engagements.François Pagano, délégué CFE-CGC, a déclaré être là «pour forcer Mittal à jouer le jeu». «On vient demander des investissements pour Florange», a-t-il dit. Pour la CFE-CGC, «le projet ULCOS new look, qui pourrait voir le jour à l'horizon 2018, n'est pas explicité de manière assez claire».

Mittal se veut rassurant. Avant la réunion du CCE, le groupe s'est voulu rassurant, affirmant qu'il tiendrait ses engagements en matière d'investissements et de recherche. Dans un entretien au Figaro jeudi, le PDG d'Arcelor Mittal Lakshmi Mittal affirme s'être engagé à «trouver des solutions pour les 629 salariés concernés par la fermeture des hauts fourneaux (prévue au printemps 2013, ndlr)», sans «aucun licenciement». Sur le terrain, le choix de fermer les hauts fourneaux de Florange ne convainc pas. Edouard Martin, délégué CFDT de Florange, a brandi mercredi un document de la direction selon lequel le site mosellan est l'un «des plus rentables» du groupe dans le nord de l'Europe. «Ce document d'étude, au caractère tout à fait partiel, n'a jamais fait l'objet d'une validation par le groupe» et «ne prend pas en compte les coûts complets», a répliqué le groupe dans un communiqué.

VIDEO. Comité d'ArcelorMittal : CGT et FO claquent la porte

CARTE INTERACTIVE. Les plans sociaux en France

Afficher Leparisien.fr : la carte de France des emplois menacés sur une carte plus grande

mercredi 12 décembre 2012

ArcelorMittal : le document qui prouve que Florange est compétitif


ArcelorMittal : le document qui prouve que Florange est compétitif

Edouard Martin (CFDT) a abattu une carte maîtresse hier en dévoilant un document interne secret prouvant que le site Mittal de Florange est au moins aussi compétitif que ceux de Gand et Dunkerque. Le CCE prévu aujourd’hui à Paris s’annonce très chaud.

Le document sera au centre des débats jeudi au CCE de ArcelorMittal à Paris. Photo Philippe Neu.
Le document sera au centre des débats jeudi au CCE de ArcelorMittal à Paris. Photo Philippe Neu.
Hier soir, Edouard Martin , leader CFDT ArcelorMittal Florange, a dévoilé ce qu’il considère comme un document choc : « La preuve que le site intégré de Florange est économiquement performant. Il s’agit d’un document interne, rédigé par la Direction générale. Les courbes, entre janvier 2010 et mai 2011, prouvent que Florange est au même niveau de productivité que Dunkerque. Si l’on retire les coûts de transport, 24€ la tonne Florange est au même niveau que Gand. » La CFDT entend demander des comptes aux dirigeants dès ce jeudi après-midi, lors du Comité central d’entreprise à Saint-Denis.

Infos de dernière minute le 12/12/2012

La « politique des friches » pour accompagner TerraLorraine


En novembre dernier, la première pierre a été posée  en présence des acteurs du projet. Photo archives RL/Philippe NEU
En novembre dernier, la première pierre a été posée en présence des acteurs du projet. Photo archives RL/Philippe NEU
2013 sera marquée par l’entrée dans une « phase opérationnelle » du projet TerraLorraine – cette vaste zone d’échanges sino-européenne qui sera implantée sur la mégazone d’Illange.
« Ce projet doit constituer pour tous une opportunité unique et historique pour notre département, pour la Lorraine et pour la Grande Région », martèle le président Patrick Weiten. « Ses répercussions iront bien au-delà de la seule mégazone d’Illange et dépasseront, au final, les espoirs que nous avions placés, il y a quelques années déjà, dans ces " super-zones d’activité " qui étaient initialement destinées à permettre d’accueillir des activités de grande envergure : les " unités internationalement mobiles " […]. Il nous faut d’ores et déjà en penser les conséquences pour ne pas en subir les effets. »
Dans cette perspective, le conseil général et l’Etat ont demandé à l’Etablissement public foncier de Lorraine de procéder à un recensement exhaustif des friches industrielles, commerciales, militaires ou logistiques. Objectif : préparer une politique d’aménagement du territoire bénéficiant de la réintégration de ces friches dans le patrimoine départemental. A terme, Patrick Weiten ne recule pas devant un bel oxymore, en préconisant « la création dans tout le département de multiples petites mégazones ».
Si Philippe Tarillon, porte-parole de l’opposition, reste attaché à la réussite de l’opération TerraLorraine, celle-ci « ne doit pas être considérée comme un projet de substitution aux difficultés économiques de la Lorraine ». En clair, il lui semble impensable d’envisager la mutation de centaines de sidérurgistes et de métallurgistes en autant de caristes ou d’employés du tertiaire.
Et, devant la « nouvelle politique des friches » annoncée par le président, l’élu socialiste met en garde contre les excès d’optimisme : « J e ne voudrais pas, dit-il, qu’après des friches industrielles, nous ayons à traiter des friches tertiaires. » On n’en est pas là…

LE PACTE DE FLORANGE - la Parisienne Libérée


mardi 11 décembre 2012

Clip de M. BOULOT (FRASIAK)

Premier comité de suivi « avant Noël »


François Marzorati réunira le premier comité de suivi de l'accord du 30 novembre entre le gouvernement et ArcelorMittal « avant Noël », à Paris.
© Le Républicain Lorrain, Mardi le 11 Décembre 2012 / Région / 

 Hier, le sous-préfet de Thionville, chargé de cette mission par Jean-Marc Ayrault, a débuté ses consultations à marche forcée en recevant la CFDT pendant un peu plus d'une heure. Une rencontre de calage des moyens et de la méthode au cours de laquelle le représentant de l'Etat a renouvelé sa promesse de travailler « sans tabou », comme l'a rappelé Edouard Martin, désigné par sa fédération pour siéger dans ce comité ad hoc. « Ce sera l'accord, rien que l'accord mais tout l'accord », juge le syndicaliste. Qui reste rivé sur ses positions : « Maintenir la filière liquide dans la vallée. Ce qui fait la force de Florange, c'est sa qualité de site intégré. »
Le comité de suivi des investissements (Ulcos 2, 180 MEUR), qui se réunira «autant de fois que nécessaire », sera composé des organisations syndicales - un titulaire et un suppléant, mandatés par le Premier ministre -, des représentants du Val de Fensch, du conseil général, du conseil régional et Michel Liebgott (PS) et Anne Grommerch (R-UMP), députés de la circonscription. Comme l'État, qui s'appuiera sur ses experts, les syndicats pourront consulter les leurs. Sans surprise, il s'agira, pour la CFDT, du cabinet Syndex, qui intervient déjà au comité d'entreprise européen du groupe. « Il ne faut pas isoler Florange. La bonne perspective est européenne », tranche Edouard Martin. Syndex avait ainsi rendu, au printemps dernier, le rapport établissant que la sidérurgie intégrée de Liège était viable. « La direction viendra avec ses chiffres, nous ne sommes pas des techniciens. » Hors la « lettre » de l'accord, « qui ne sera pas rediscuté », laCFDT a déjà mis un sujet-clé sur la table : « Le maintien des compétences, avec l'aide du centre de formation de Yutz. » Edouard Martin estime déjà « à 200 le nombre de personnels [chaîne d'agglomération, haut fournistes, opérateurs aciéries] à former pour que l'outil de travail puisse redémarrer au plus vite ».
Le casus belli ? Ils attendent de Mittal qu'ils signent l'engagement qu'Ulcos se fera bien à Florange. « Avant fin mars, sinon, on saura quoi faire. »
Alain MORVAN.


Le site ArcelorMittal de Basse-Indre à l'arrêt total

JT 12/13 du 11/12/2012  ArcelorMittal Basse Indre


Olivier Besancelot à Florange le 11/12/2012

Communiqué de presse FGMM CFDT 10/12/2012



lundi 10 décembre 2012

RENCONTRE PIERRE LAURENT (P.C.F.) ET L' INTERSYNDICALE ARCELORMITTAL


Un très grand merci à Loreina Télé

SIGNEZ LA PETITION ...



Centralisation vidéo twitter facebook


Merci à Olivier Clauss pour le travail accompli ...



Florange : toute une région se mobilise

Veuillez installer Flash Player pour lire la vidéo

La commune de Fameck se situe à 2 kilomètres à peine de Florange. Le soutien s'affiche à la sidérurgie dès l'entrée de la ville. Depuis 18 mois, tous nourrissaient l'espoir de voir redémarrer les hauts-fourneaux. L'accord passé entre le gouvernement et Mittal continue d'enflammer les discussions.

ArcelorMittal Florange ArcelorMittal - Retour du village gaulois à Florange et première réunion préparatoire à la mise en place du comité de suivi

Le site internet du gouvernement vient de publier la lettre de mission envoyée au sous-préfet de Thionville François Marzorati, tandis que la résistance des salariés se poursuit pour la défense des haut-fourneaux de Florange. 
© France Télévisions lorraine. François Marzorati, sous-préfet de Thionville

Le comité de suivi des engagements d'ArcelorMittal pour le site de Florange mis en place par le Premier ministre Jean-Marc Ayrault tiendra sa première réunion avant la fin de l'année.
Pour le préparer, participants, contenus, objectifs, une première réunion, avec la CFDT se tient lundi 10 décembre 2012, sous la conduite du sous-préfet de Thionville.
François Marzorati va ainsi s'entretenir dans les prochains jours avec l'ensemble des acteurs concernés.

Le haut-fonctionnaire, qui se voit confier cette mission à quelques jours de sa retraite, est un parfait connaisseur du dossier et sans doute la personnalité la plus à même de faire s'asseoir autour de la même table les différents protagonistes.

La lettre de mission qui lui a été envoyée par le Premier ministre insiste notamment sur les travaux relatifs à un nouveau démonstrateur industriel Ulcos annoncé par le groupe ArcelorMittal.

Lettre de mission du Premier ministre à François Marzorati, Sous-Préfet de Thionville

Pendant ce temps les syndicalistes poursuivent leur combat pour le maintien en état des deux fours à chaud du site de Florange (situés à Hayange) et ils ont ressorti leur tente du village gaulois pour montrer leur détermination.

Pierre Laurent, secrétaire national du Parti communiste français, leur a rendu visite ce lundi 10 décembre.

Portrait du sous-préfet de Thionville François Marzorati

http://lorraine.france3.fr

Encore sous-préfet de Thionville (57) pour quelques jours, il a été chargé de présider le comité de suivi des engagements d'ArcelorMittal.

Mittal : mobilisation près de Nantes contre le tranfert d'activités vers Florange


Plusieurs centaines de salariés se sont rassemblés ce lundi matin devant le site de l'usine ArcelorMittal de Basse-Indre en Loire-Atlantique. Ils protestent contre le transfert de leurs activités vers Florange en Moselle.

Plusieurs centaines de salariés bloquaient l'accès à l'usine d'ArcelorMittal de Basse-Indre en Loire-Atlantique, ce lundi matin. | Alexandra Turcat / AFP

Les  , FO et CFDT de l'usine ont appelé à une grève d'une journée ce lundi. Le but : protester contre le projet de transfert d'activité vers les hauts fourneaux de Florange en Moselle.
Un plan défendu par le Premier ministre Jean-Marc Ayrault et la direction générale du groupe ArcelorMittal, qui veulent réorganiser les activités du groupe en France et ainsi sauver des emplois.

Vers sept heures, plus d'une centaines de voitures se sont garées devant l'entrée de l'usine. Un barrage de palettes interdisait l'accès aux bâtiments. Devant l'usine, des affiches avec notamment le slogan: «Full  Racket» (Ndlr : jeu de mots sur le titre détourné du film de Stanley Kubrick «Full Metal Jacket»). Les syndicats craignent pour leur avenir : «On sait bien que ça risque d'être préjudiciable pour le site de Basse-Indre», a souligné Frédéric Gautier pour la CGT. «Même les cadres nous ont dit qu'ils seraient là aujourd'hui». Les syndicats vont dialoguer avec les responsables du site. «Nous allons demander à la direction générale qu'elle retire son projet, qui met non seulement en danger Basse-Indre mais aussi la filière packaging du groupe», a déclaré Lionel Bellotti pour Force Ouvrière.

«Ce qui risque d'arriver à long ou moyen terme, c'est la fermeture du site de Basse-Indre», a de son côté estimé Jean-Luc Le Drenn, le maire de la commune d'Indre, qui compte 4.000 habitants. Les gens sont très mécontents. On sait que ce transfert d'activités n'est pas viable à terme». Actuellement, l'usine emploie 546 personnes en CDI et 150 sous-traitants. Selon les syndicats, le transfert d'activités concernerait 60 personnes.

Le document qui montre que Mittal bafoue ses engagements



« Mittal n’a tenu aucun de ses engagements »accusait Arnaud Montebourg dans un entretienaux Échos, le 25 novembre, sans se faire plus précis. Mais quels engagements avait donc pris Lakshmi Mittal auprès du gouvernement français au moment de l’OPA hostile sur Arcelor en 2006 ? Le gouvernement garde le silence. Au nom du secret des affaires, il n’entend pas revenir sur le passé, pas plus qu’il ne souhaitait divulguer l’accord passé la semaine dernière avec le groupe Mittal. « Il s'agit d'un accord industriel entre l'État français et un opérateur privé qui n'a pas à être rendu public »expliqua Matignon pour justifier son silence, avant que le contenu ne soit révélé par Le Monde dans toute l’étendue de son inconsistance. Quelle étrange mansuétude pour le groupe sidérurgique !
Mediapart a retrouvé les questions qui avaient été adressées par le gouvernement de l’époque, par l’intermédiaire du ministère des finances, au groupe Mittal, le 12 avril 2006, en pleine bataille boursière pour prendre le contrôle d’Arcelor. Vingt-neuf questions qui vont de l’emploi naturellement, à la préservation des sites en France, sa vision de la sidérurgie, ou la façon dont il envisage la conduite du nouvel ensemble et la fameuse « gouvernance ». Vingt-neuf questions auxquelles le groupe Mittal répond, ou qu'il esquive, selon les cas (ici, les engagements industriels, en page 2, les engagements financiers). (*visible sur le site de Médiapart )
À la lecture de ce document, on ne peut s’empêcher de penser que « les promesses n’engagent que ceux… qui les reçoivent »Six ans après, les manquements commis par Lakshmi Mittal sont patents. Les entorses apparaissent dès les premiers mois, et elles ne cessent de s’aggraver au fil du temps, comme le prouve le document en anglais que nous publions dans sa totalité.
Impossible de commenter toutes les réponses. Sans faire une lecture exhaustive de ce document, nous revenons donc sur certains points – de façon chronologique par rapport  aux manquements – qui mettent en lumière combien Lakshmi Mittal ne se sent pas tenu par la parole donnée, et ce dès les premiers jours. Ce qui est de sombre augure pour la suite.
La gouvernance
Pendant toute la bataille boursière contre Arcelor, le groupe Mittal, largement soutenu par la presse anglo-saxonne, attaque violemment la conduite de la direction, lui reprochant son absence de transparence, son non-respect des règles de gouvernance si chères au capitalisme. Arcelor réplique en soulignant que le groupe Mittal n’est en fait qu’une affaire familiale, qui a seule en mains tous les pouvoirs, et conduit la société à sa guise et pour son seul bénéfice. Ce qui se passe chez Mittal a toutes les chances de se poursuivre, si le groupe met la main sur Arcelor, préviennent-ils.
Très attentif à ces questions de gouvernance, qui alors dominent le code des affaires en Europe, le gouvernement français interroge Lakshmi Mittal à ce sujet. « En cas de succès de l’opération, quelle définition sera donnée de l’indépendance pour les membres du conseil d’administration ? » demande-t-il.

Mittal seul à bord

« Mittal Steel conçoit l’indépendance de ces administrateurs en ligne avec les règlements en application aux États-Unis et donne à ses actionnaires toutes les informations à ce sujet », répond Mittal. Poursuivant ses explications dans les questions suivantes, il écrit « Le 6 mais 2006, Mittal Steel a annoncé qu’il prévoyait de réaliser des changements substantiels dans sa gouvernance, en vue de son opération sur Arcelor (…) Dans ce contexte, Mittal Steel envisagerait un conseil d’administration élargi à 14 membres, comprenant 6 administrateurs de Mittal Steel, 6 d’Arcelor et 2 membres indépendants. (…) Mittal Steel a déjà annoncé qu’il désignerait François Pinault comme administrateur. »

 
© ArcelorMittal

Au lendemain de l’OPA sur Arcelor, le concept d’indépendance s’étiole vite. Les anciens d’Arcelor – et en particulier ceux issus d’Usinor – sont pratiquement tous écartés. Lakshmi Mittal prend la présidence et son fils, la direction financière, tandis que ses proches sont nommés à plusieurs postes opérationnels. Le conseil, composé de 18 membres, retient bien l’équilibre entre Mittal et Arcelor. Mais la fiction durera à peine une année. Dès décembre 2007, Lakshmi Mittal annonce qu’il va cumuler les postes de président et de directeur général, à la faveur de la démission de plusieurs membres du groupe. Il a désormais tous les pouvoirs en main : silence absolu des actionnaires et des gouvernements concernés...
Le conseil est alors remanié. Sa fille y fait son entrée. Tous les actionnaires représentant l’ancien Arcelor sortent un par un, à l’exception des représentants du Luxembourg. Ils sont remplacés par des connaissances proches. Parmi les administrateurs, considérés par le groupe comme indépendants,  figurent notamment Lewis Kaden, vice-président de Citigroup, une des banques du groupe, Suzanne Nimocks, ancienne responsable de la firme McKinsey, avec laquelle le groupe ne cesse de travailler, ou Guillaume de Luxembourg, héritier du grand-duché et sans doute totalement désintéressé par l’avenir du groupe dans le pays.

L’avenir des sites européens
Au cours de la bataille boursière, la direction d’Arcelor met en garde contre les risques de casser le modèle de la sidérurgie européenne, en détournant tous les investissements de l’Europe pour des pays à bas coûts, en cas de prise de contrôle de Mittal Steel. Lakshmi Mittal rétorque qu’au contraire, il va porter le nouvel ensemble au sommet, en créant un groupe très intégré verticalement (de la mine aux produits finis) et en réveillant un Arcelor qui s’est endormi sur ses succès.
« Le groupe Mittal peut-il fournir une estimation chiffrée des investissements projetés par zone ? Quels seront les sites de production privilégiés ? Plus particulièrement, les sites français – portuaires et continentaux – connaîtront-ils des flux d’investissement réguliers et durables ? » interroge le gouvernement.
« Si Mittal Steel n’est pas en mesure de donner dans le détail ses plans d’investissements par région, nous pouvons confirmer que les sites français bénéficieront d’investissements et de développements continus à horizon de temps prévisible pour soutenir leur compétitivité. En général, les sites français seront bénéficiaires de la logique stratégique globale issue de la fusion, c’est-à-dire servir des clients mondiaux dans des secteurs clés comme l’automobile, grâce aux options additionnelles et aux économies logistiques rendues possibles par l’intégration verticale de Mittal Steel, de la mine jusqu’aux centres européens – y compris français, de recherche, devenus centres globaux d’un groupe élargi »répond le groupe.
Derrière ce parfait catéchisme industriel, la réalité a été tout autre. À peine aux commandes, Lakshmi Mittal a puisé dans les réserves accumulées par Arcelor pour se lancer dans une grande vague d’acquisitions de mines de charbon et de minerai de fer, en construisant parfois des hauts-fourneaux à côté. Les savoir-faire des sites européens ont été transmis au reste du groupe« En quelques mois, Mittal a totalement rayé la stratégie d’Arcelor qui était de produire des aciers de très grande qualité et de haute valeur ajoutée, que les clients acceptaient de payer plus cher. Ce qui permettait de garder la sidérurgie en Europe de l’Ouest, malgré ses coûts de production. Il a transféré les savoir-faire et les brevets en Indonésie notamment, ce qui a éloigné le groupe de ses clients. Les difficultés de Florange ont commencé quand Volkswagen, mécontent des prestations d’ArcelorMittal et de l’éloignement des productions, a décidé de le quitter »explique un connaisseur du dossier.
Dans le nouvel esprit du groupe, l’Europe n’est plus que sa variable d’ajustement en fonction des cours de l’acier. Il tire au maximum sur l’outil industriel et ne fait aucun investissement lourd pour l’avenir. Ce que confirme le dernier accord sur Florange : sur les 180 millions d’euros d’investissements, seuls 53 millions sont destinés au futur, tout le reste est pour la maintenance. Partout, les investissements ont été réduits au minimum. Les hauts-fourneaux de Dunkerque et de Fos sont éteints ou rallumés selon les cas. Un des hauts-fourneaux de Dunkerque, arrêté pour maintenance à l’été, ne devrait pas être rallumé.


Le sort de Gandrange et de Liège
Pour convaincre les salariés de le soutenir dans la bataille boursière, Lakshmi Mittal promet de revenir sur le plan « Apollo » lancé en 2003 par Arcelor, qui prévoit la fermeture progressive des hauts-fourneaux continentaux (Liège, Charleroi, Florange et Brême). La direction d’Arcelor réplique en affirmant que le groupe Mittal sera obligé de reprendre ce plan. Elle souligne alors que Mittal Steel ne fait pas plus de miracle que les autres sidérurgistes européens, que son site de Gandrange (ex-Unimétal racheté à Usinor) est en faillite et qu’il est condamné à terme. Lakshmi Mittal conteste vigoureusement ses propos, en assurant qu'il sait gérer différemment ses sites sidérurgiques.
Le gouvernement français l’interroge sur ces deux sites« Le groupe Mittal peut-il donner une vue rétrospective de l’évolution des performances de Mittal Steel Gandrange, tant en termes d’évolution de la production et de la productivité que de l’amélioration des résultats de la société ? » Mittal Steel fournit tous les comptes de Gandrange. Il assure que le site, après avoir perdu de l’argent, est redevenu bénéficiaire« Comme vous pouvez le voir, Mittal Steel a amélioré les performances de Gandrange, SMR et de Trélifeurope, qui auparavant perdaient de l’argent. Sur Gandrage, nous nous sommes concentrés à améliorer le mix-produit, de telle sorte que le site est profitable même avec les volumes réduits de 2005 »assure alors le groupe. 
Les salariés de Gandrange connaissent malheureusement la suite. Le 16 janvier 2008, c’est-à-dire au moment où le marché de l’acier est encore en pleine bulle haussière, la direction d’ArcelorMittal annonce un projet de réorganisation, prévoyant la suppression de 595 emplois sur les 1 029 salariés du site, l’arrêt de l’aciérie et du train à billettes et le maintien en activité du seul laminoir. Le groupe explique que ces mesures sont indispensables au vu des pertes enregistrées – 36 millions d’euros – par le site. Certains observateurs pensent que Mittal, après avoir masqué les pertes réelles du groupe pendant plusieurs années, s’est décidé à mener une opération vérité, maintenant qu’il n’a plus besoin de ce site pour entrer sur le marché européen.
Les syndicats contestent l’analyse de la direction et assurent que le site pourrait être rentable si les investissements nécessaires
y étaient réalisés. Nicolas Sarkozy fait exprès le voyage pour assurer que Gandrange ne sera pas fermé. Il n’obtiendra rien, sauf la promesse que le groupe investira 300 millions d’euros sur le site voisin de Florange pour le renforcer. Florange n’a jamais vu le début de ces investissements promis. Mais cela n’empêche pas Lakshmi Mittal de promettre à nouveau d’investir pour soutenir et moderniser le site de Florange« De façon inconditionnelle »assure le gouvernement.
Ce qui s’est passé à Gandrange, se réalisera de même à Liège. Le gouvernement français, pourtant, l’a aussi interrogé sur la manière dont il entend maintenir le site belge. « Le groupe Mittal peut-il donner des informations complémentaires sur la politique envisagée vis-à-vis du site européen de Liège »demande-t-il par écrit« Mittal Steel a compris qu’Arcelor avait décidé de fermer la filière à chaud du site de Liège conduisant à une perte d’environ 2 700 emplois. Un des hauts-fourneaux a été fermé en 2005, le second doit l’être en 2009. Mittal Steel a prévu de lancer une nouvelle étude pour réexaminer la fermeture du deuxième haut-fourneau. Mittal Steel pense qu’un groupe élargi a plus d’options stratégiques qui permettent une plus grande spécialisation des sites européens vers les produits à haute valeur ajoutée, ce qui autorise la poursuite d’exploitation du deuxième haut-fourneau. »
Il n’y aura ni spécialisation ni investissement à Liège. Dès le début de l’effondrement des cours de l’acier en 2009, le haut-fourneau de Liège a été un des premiers arrêtés. Sa fermeture définitive a été actée en novembre 2011.

L’emploi
L’emploi est naturellement la première question soulevée par le gouvernement. La direction d’Arcelor assure qu’en cas de fusion, les salariés européens risquent de payer un lourd tribut dans cette opération financière, compte tenu de l’état de Mittal Steel. Asphyxié financièrement par ses rachats successifs payés à crédit, le groupe sidérurgique a dû supprimer 46 000 emplois, essentiellement aux États-Unis. Mittal conteste bien évidemment cette analyse.

 
© Reuters

« Lors de l’entretien avec les services du ministère (des finances), le groupe Mittal a indiqué qu’en raison du faible recouvrement en Europe entre les marchés de Mittal et ceux d’Arcelor, il n’y aurait pas, en cas de succès de l’opération, de suppressions d’emplois en France au-delà de celles prévues par les plans sociaux programmés par Arcelor. Le groupe est-il en mesure de confirmer ce point ? Le groupe peut-il préciser l’évolution prévisible de l’emploi pour les autres pays concernés par l’éventuelle fusion ? »
La réponse de Mittal est nette : « Mittal Steel peut confirmer qu’il n’a aucun plan à horizon prévisible de réductions d’emplois, au-delà de ce qui a été prévu par Arcelor. L’évolution de l’emploi est prévue dans les mêmes termes que ce qui était programmé par Arcelor. Il pourrait y avoir certaines révisions à la hausse, du fait que Mittal Steel va revoir certains plans de restructurations prévus par Arcelor, avec comme objectif de garder plus d’emploi en Europe de l’Ouest. (…) En conséquence, la fusion entre Arcelor et Mittal ne changera pas les plans de restructuration, et n’affectera pas la situation de l’emploi en France »insiste-t-il.
Seize mois plus tard, il y eut Gandrange, puis la restructuration de l’activité inox, puis les suppressions discrètes d’emplois site par site, le non-remplacement des personnes partant en retraite. En quelques années, le groupe a supprimé plus de 3 000 postes en France. Sans grande réaction.

Situation financière
La crise a tout changé, plaide le groupe. Les sidérurgistes connaissent en effet un environnement très difficile, l’acier est au plus bas, et pourrait encore s’effondrer tant la conjoncture mondiale est déprimée. Rien qu’en Europe, le marché automobile, un des principaux débouchés, est en chute de 12 % depuis le début de l’année. ArcelorMittal prend de plein fouet ce retournement de cycle. Sa taille qui était censée le protéger ne lui sert à rien, tant sa situation financière est dégradée, tant le groupe est endetté.
En 2006, le ministère des finances s’était inquiété des risques que faisait peser cette opération financière pour le groupe« Quel sera, en cas de succès de l’opération, le niveau d’endettement du groupe ? Ce niveau ne constituera-t-il pas une rupture par rapport à la politique financière d’Arcelor ? Ce niveau d’endettement sera-t-il soutenable et ne sera-t-il pas excessif en cas de retournement du cycle ? » interrogeait-il.
Sans sourciller, le groupe Mittal ose affirmer qu’il est en meilleure santé financière qu’Arcelor. Manifestement, il est très furieux de l’argent utilisé par Arcelor pour se défendre et qu’il ne verra pas. Mais il assure que l’avenir sera radieux. « Mittal Steel et Arcelor ont une notation équivalente (BBB+). Sur une base pro forma, le niveau d’endettement du groupe fusionné sera similaire à celui de Mittal aujourd’hui et significativement meilleur que celui d’Arcelor, compte tenu de sa décision d’augmenter son dividende (environ 1,1 milliard d’euros) et de verser un dividende exceptionnel (5 milliards d’euros). Nous estimons que la dette nette après ces décisions et en prenant en compte les rachats de Dofasco (Canada) et des minoritaires d’Acesita (Espagne) sera d’environ 12 milliards d’euros, soit 2 fois l’Ebitda, ce qui en fera un des groupes sidérurgiques les plus endettés. La combinaison de Mittal Steel-Arcelor conduira à un endettement sensiblement inférieur, autour de 1,3 fois l’Ebitda. Comme il a été souligné publiquement, Mittal Steel est très attentif à maintenir une notation élevée pour le groupe fusionné. »
En 2007, l’endettement long terme du groupe s’élevait déjà à plus de 22 milliards d’euros, en 2008, il augmentait, à 25 milliards. Fin 2011, il dépasse les 26 milliards d’euros pour 9,7 milliards de capitaux propres. ArcelorMittal est désormais classé en junk bonds.

La grande mansuétude du gouvernement

« Dès 2008, il était évident que Lakshmi Mittal ne respectait plus ses engagements »note un connaisseur du dossier. Pourquoi le gouvernement, en dehors des gesticulations du président à Florange, n’a-t-il rien fait, rien dit ? Certes, le gouvernement français n’est pas actionnaire d’ArcelorMittal et ne peut donc faire entendre sa voix au conseil ou en assemblée générale. De plus, les engagements pris en 2006 n’ont aucun caractère contraignant et ne peuvent être invoqués en justice.
Mais le gouvernement n’est pas sans moyen. Curieusement, il a déposé à terre toutes les armes dont il disposait face à Lakshmi Mittal. Ainsi, le 16 décembre 2008, l’autorité de la concurrencecondamnait ArcelorMittal à une amende record de 301 millions d’euros pour cartel sur le marché de l’acier. Le groupe fit appel. Son amende fut ramenée à 42 millions d’euros. Christine Lagarde, alors ministre des finances, ne fit pas appel de la décision.
De même, depuis que le groupe sidérurgique est passé sous le contrôle de Mittal, il ne paie pratiquement plus d’impôts en France. Grâce au miracle des prix de transferts, l’essentiel semble rapatrié au Luxembourg, ce qui sans doute a été une des bases du soutien du grand-duché à Mittal lors de l’OPA hostile. L’optimisation fiscale, comme le dit le ministère des finances pour ne pas employer le gros mot d’évasion, est estimée à environ 1,3 milliard d’euros. Là encore, aucune action n’a été entamée contre le groupe pour tenter de recouvrer au moins en partie ces sommes évanouies.

Le yacht de Lakshmi Mittal 
Le yacht de Lakshmi Mittal© dr

La mansuétude dont a fait – et fait encore – preuve le gouvernement à l’égard de Lakshmi Mittal est incompréhensible. Il est vrai que le milliardaire a bénéficié pendant longtemps d’entrées privilégiées à Bercy. Depuis plusieurs années, Christine Lagarde ne manque jamais pendant ses vacances corses d’aller rendre visite à Lakshmi Mittal, lorsque ce dernier longe les côtes de l’île sur son yacht – qui peut être loué pour 1 million de dollars la semaine. Cet été encore, on a vu la directrice du FMI séjourner sur le bateau du milliardaire pour y faire de la plongée au large de Bonifacio.

dimanche 9 décembre 2012

A Florange, «fatigué d’entendre tout et son contraire»

Dans la vallée de la Fensch, la lassitude gagne salariés et habitants, sans illusions sur les engagements d’ArcelorMittal et du gouvernement.

Après une folle semaine, les métallos de Florange sont fatigués. Il y a d’abord eu l’espoir. Puis la «trahison» du gouvernement, qui a avalisé la fermeture des hauts fourneaux et le report du projet Ulcos, qui devait redonner vie à l’un d’entre eux. L’occupation, jeudi, des deux cheminées de métal. Puis une simple réunion, vendredi, de l’intersyndicale et un point presse expédié en quelques minutes.

Edouard Martin, le charismatique leader de la CFDT, s’avance devant les caméras. Ses camarades orange-fluo restent assis, au fond du local syndical. Les traits sont tirés. Martin n’a plus les larmes aux yeux. N’évoque plus la «trahison». Il prend simplement «acte» de la déclaration, la veille, de François Hollande. «Je n’imagine pas une seconde que le Président soit monté au créneau devant tous les Français pour nous flouer une semaine après.» Et de réclamer «que les engagements soient musclés» avec «une feuille de route sur Ulcos et le redémarrage des hauts fourneaux».

Trêve. La suite attendra la rencontre prévue, la semaine prochaine, avec François Marzorati, sous-préfet de Thionville, chargé de piloter le comité de suivi des investissements promis par ArcelorMittal.«En fonction des réponses, nous déciderons de la suite à donner, prévient le syndicaliste. Personne ne décidera pour nous, sans nous. Nous avons nous aussi notre cellule de crise, avec trente militants, prêts sept jours sur sept, 24 heures sur 24, à prendre possession de l’outil de travail.»

En attendant, c’est la trêve. Fin du point presse. Les télés remballent. En quelques minutes, les métallos ont déserté le local. «Je veillerai à ce qu’il n’y ait personne cet après-midi, ils ont besoin de se reposer, d’être en famille», lâche Jacques, un œil sur ses camarades. Les dix-huit mois de lutte, les nuits de camping sous les fenêtres de Bercy, ont laissé des traces. La tête rentrée dans les épaules pour se protéger de la neige, Luis confie y avoir «laissé des plumes» : plusieurs kilos et sa copine. Il soupire. «Des fois, on se lève à 5 heures et on ne se couche pas la nuit suivante, parce qu’il faut être là, il faut continuer.» Il a écouté Hollande. «Mais avec ce Premier ministre-là, je n’y crois pas du tout. S’il saute, peut-être…»

A Hayange, commune voisine de Florange où s’étend une partie du site sidérurgique, dans un des rares restaurants encore ouverts, Julien, militant CFDT, s’inquiète au-dessus de son plat de tagliatelles. «Les troupes s’essoufflent. Si on enlève les deux retraités et les quatre permanents, ils étaient combien ce matin ?» En face de lui, Davy, tatoueur, estime que «le gouvernement doit arrêter de faire espérer les salariés pour rien». Julien le coupe : «C’est des promesses, mais elles restent. On peut se les repasser sur YouTube.» Pour lui, les «engagements de Mittal sont un plan social déguisé». «Licencier coûterait à Mittal plus cher que de reclasser. Sur les 629 concernés, la moitié sont des anciens, proches de la retraite. Il préfère leur faire faire deux ans de peinture ou de ménage sur le site plutôt que de leur signer un chèque.»

Quand on leur parle d’Ulcos, les deux hommes lèvent les yeux au ciel. «Cet été, notre dossier était en dernière place. Subitement, il est passé premier pour que, finalement, du jour au lendemain, la candidature soit retirée.» «A mon avis, c’est une sanction. Mittal a fait marche arrière pour punir les sidérurgistes qui ne se laissent pas faire», pense Estelle, l’hôtesse d’accueil de l’office du tourisme. Derrière son guichet, elle voit de plus en plus de Parisiens défiler. «Ils veulent voir les deux derniers hauts fourneaux, se rendre compte par eux-mêmes.» Le tourisme de crise.

Les habitants de la vallée de la Fensch, eux, ont bien du mal à suivre. Outre Ulcos, il était question de nationalisation, et puis non ; d’un repreneur, et puis non. «Je ne regarde plus les infos, je suis fatigué d’entendre tout et son contraire entre le matin et l’après-midi», lance le patron du PMU, Joseph. L’endroit est bondé. Devant son café, Robert, contremaître chez ArcelorMittal à la retraite, a participé à la dernière «remise à neuf» des hauts fourneaux : «Avec ces travaux, ça leur donnait encore trente ans. Ils sont loin d’être foutus ! La seule solution, c’était la nationalisation. Le gouvernement ne veut pas sortir 1 milliard d’euros, alors on fermera. Pourtant, la sidérurgie vit déjà avec des subventions, avec notre argent pour payer le chômage partiel !»



Neige. Autour du comptoir, que des anciens, qui disent avoir«le fer et le charbon en [eux]». Mi-philosophe mi-fataliste, l’un d’eux lance à l’assemblée qui acquiesce que «le train à vapeur a existé, il n’existe plus et on vit encore. Rouvrez les mines demain, personne ne voudra aller y travailler». Robert, métallo retraité, se désole «du chacun pour soi grandissant». «Les jeunes vivent avec le RSA, un loyer à moitié prix, l’aide alimentaire… Ils ont leurs problèmes, ils ne se sentent pas concernés. Les vieux, c’est pareil, je les vois une fois par an, au repas de la ville. Ils parlent de maladies, d’argent et parfois de vacances.» Place de l’hôtel de ville, une petite mamie fend la neige, son béret vissé jusqu’aux oreilles. C’est Marie, 80 ans, ancienne secrétaire «chez les sidérurgistes». Ce qui a changé ? «Les gens». Et de lever sa canne en direction de la rue principale, désespérément vide. Avant, «on l’appelait les Champs-Elysées, ils passaient le matin, l’après-midi, et même sur les deux trottoirs !»