mercredi 15 août 2012

Des salariés prennent la parole... à mots pesés...

En attente des décisons de Mittal, le site d’Arcelor-Florange navigue toujours dans le brouillard. Les salariés, qui ne savent toujours pas de quoi sera fait leur avenir, parlent… mais peu.

Rectificateur à Florange, Fabrice ne se fait aucune illusion. Après la «
pression » engendrée par la direction sur certains salariés,
l’inexorable stratégie du groupe conduira à la fermeture du
 packaging. Photo RL

Sortie d’usine, par un chaud et bel après-midi d’août. Une vague silencieuse déferle du portier Saint-Agathe. Un ballet de voitures, camionnettes. Des salariés d’Arcelor, des sous-traitants, qui n’ont publiquement jamais eu un mot sur le site florangeois et son devenir.
« Pressés… » Ils le sont pour la plupart. Calfeutrés dans l’habitacle de leur citadine ou berline, zappant illico lieu de travail-domicile.
Ceux-là « n’ont rien à dire » sur l’avenir du site et de la société qui les emploie. Impassibles, ils auraient même une fâcheuse tendance à « engueuler les syndicats, relève Jean Mangin de la CGT, certains allant de surcroît jusqu’à dire que les centrales contribuent à la perte du chiffre d’affaires du patron ».
« Pressés », d’autres le sont aussi, « mais par la direction ». Cette pression que les syndicats ont révélée au grand jour, à plusieurs reprises, lors des mouvements de grève. « Elle a fait un vrai travail de sape, confirme le cégétiste. On le voyait lors de nos actions de blocage des Grands-Bureaux. Le personnel qui ne pouvait rentrer restait sur le trottoir d’en face. Il y avait comme une ligne infranchissable entre nous. Si l’un traversait la route, venait boire un café ou discuter, il n’était pas payé. Ce n’est qu’après un certain temps que la direction leur disait qu’ils pouvaient rester chez eux et que la journée leur serait payée. Alors seulement, quelques-uns osaient venir et nous dire qu’ils nous soutenaient. Mais sans pouvoir manifester avec nous. » Fabrice Legrand, rectificateur, papa de trois enfants, le concède. « On est pris en tenaille. Des gars l’ont vraiment ressentie cette pression. Perso, je n’ai pas été touché par le chômage partiel, j’ai dû prendre des récup’. » Et dans les prochaines semaines ? « A mon avis, le packaging va sauter, il ne restera que le site de Sainte-Agathe », pronostique-t-il. O n va voir à quelle sauce on va être bouffé… On espère que le gouvernement va sangler Mittal. »

Les moyens et l’envie de faire plier Mittal

Un pick-up s’arrête au stop. Interpellé, celui qui indique travailler « à la galva » (secteur galvanisation) est en confiance face aux questions que l’on lui pose. Confiance qui le conduit à imager ses propos à la manière de la célèbre réplique tirée du western de Sergio Leone. « Il y a deux camps dans la boîte. Ceux qui travaillent sur les lignes menacées, et ceux dont les lignes n’ont pas été trop touchées », tranche Laurent Scheltienne. Et au milieu justement, une tranchée.
« On est démunis, on ne peut pas trop aider nos collègues qui subissent le chômage car si nous débrayons, on met en danger notre outil. Débrayer c’est très risqué dans notre situation. » Un mot sur le mutisme de tous ces personnels empêtrés dans la cessation temporaire d’activités ? « On n’a pas réellement grand-chose à dire car on ne sait même pas où l’on va ! On apprend des choses par la presse, les on-dit… Je ne sais pas si le gouvernement a les moyens et l’envie de faire plier Mittal. Le rapport Faure ? Ici, on connaissait déjà son contenu, les conclusions révélées à la fin du mois de juillet n’avaient rien d’exclusif. Je crois qu’il n’influencera en rien Mittal et sa stratégie de groupe. Et Ulcos ? Il est temps pour Hollande de passer aux actes. Ce qu’il a fait jusqu’à présent, c’était de la propagande. Il faut monter au créneau, développer le projet et montrer à Mittal que cela va être rentable pour lui. »
A la question « Avez-vous une boule au ventre lorsque vous vous rendez au travail ? », le trentenaire répondra : « Une boule non, de la rancœur. »

Le républicain Lorrain

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