jeudi 26 avril 2012

Quand ArcelorMittal gagne de l'argent en mettant en sommeil ses aciéries

Le chiffre devrait faire bondir les métallos de Florange, qui redoutent la fermeture de leur usine et n'ont toujours pas obtenu de garanties lors du comité central d'entreprise qui s'est tenu mercredi 25 avril.
Entre 2005 et 2010, ArcelorMittal a économisé 156 millions de tonnes de quotas d'émissions de dioxyde de carbone (CO2) grâce à la mise en sommeil de plusieurs de ses installations en Europe, selon des données publiées par le cabinet londonien Carbon Market Data. Soit, au cours actuel du carbone, pourtant très bas (une tonne s'échange à 7 euros contre le double en 2009), un gain potentiel de 1,1 milliard d'euros pour le numéro un mondial de la sidérurgie.
"ArcelorMittal est aujourd'hui l'entreprise qui affiche, et de très loin, les plus gros excédents de quotas de CO2 en Europe", affirme Cedric Bleuez, directeur de Carbon Market Data. A titre de comparaison, l'allemand ThyssenKrupp, l'un de ses principaux concurrents, a dégagé en 2010 un excédent de "seulement" 5 millions de tonnes, soit 20 % de son allocation. Six fois moins qu'ArcelorMittal (31 millions de tonnes), qui a, lui, économisé 32 % de ses quotas sur la même période.
Et la tendance ne fléchit pas : le groupe franco-indien devrait à nouveau afficherune trentaine de millions de tonnes d'excédent en 2011, selon Carbon Market Data (tous les chiffres ne sont pas encore disponibles).
Attribués gratuitement, ces droits à polluer ont été mis en place en 2005 par la Commission européenne pour inciter les entreprises à diminuer leurs émissions de gaz à effet de serre. Concrètement, chaque usine qui consomme plus de 20 mégawatts par an se voit attribuer un quota d'émissions de CO2 en fonction de son activité. Si elle ne les utilise pas, elle peut les revendre à d'autres entreprises qui, elles, n'ont pas réussi à diminuer leur consommation d'énergie.
"En raison de la crise économique, nous avons dû réduire nos volumes de production, ce qui a abouti à un excédent de quotas de CO2 gratuits, reconnaît Hervé Bourrier, PDG d'ArcelorMittal en FranceMais ils sont soit conservés pourcouvrir nos besoins futurs, soit revendus pour financer des projets d'efficacité énergétique."
A Gandrange (Moselle), où le sidérurgiste possède toujours un laminoir, de nouveaux brûleurs basse consommation sont ainsi en cours d'installation. Un investissement de "plusieurs millions d'euros" qui doit permettre de réduire de 15 % la consommation de gaz des fours de réchauffage du site.
Mais l'argument ne convainc pas les syndicalistes, qui accusent Lakshmi Mittal, le patron du sidérurgiste, de gonfler artificiellement sa trésorerie en revendant ses droits à polluer.
"ON MARCHE SUR LA TÊTE"
De fait, ArcelorMittal a cédé en 2011 pour 93 millions de dollars de quotas de CO2sur le marché BlueNext, où s'échangent les droits à polluer. En 2010, son gain était de 140 millions de dollars.
"C'est un vrai scandale que nous dénonçons depuis plusieurs années, s'emporteEdouard Martin, délégué CFDT à l'aciérie de Florange. Cela veut direqu'ArcelorMittal gagne autant voire plus d'argent en arrêtant ses hauts-fourneaux qu'en les faisant fonctionner. On marche sur la tête !"
La mise en sommeil, officiellement provisoire, des hauts-fourneaux P3 et P6 de Florange, intervenue en juin puis octobre 2011, a ainsi permis à ArcelorMittal d'économiser 38 % des quotas alloués au site l'an dernier et de dégager un excédent de 1,53 million de tonnes, selon Carbon Market Data. Soit un gain potentiel de 10,8 millions d'euros au cours actuel du carbone. Et ce, uniquement pour 2011.
Consciente de ces nombreux effets d'aubaine, la Commission européenne a décidé de faire le ménage. Jusqu'ici, les règles du système d'échange de quotas ne permettaient pas de réduire l'allocation gratuite de droits à polluer en cas de baisse d'activité. Seul l'arrêt définitif d'une installation était pris en compte. L'aciérie électrique ArcelorMittal de Gandrange a ainsi été exclue du périmètre l'an dernier, à la suite de sa fermeture en 2009.
Pour la prochaine phase du dispositif, qui démarre en 2013 et doit durer jusqu'en 2020, les allocations de quotas pourront être cette fois diminuées en cas de baisse de production. "Une installation dont le niveau d'activité en 2012 est réduit de 90 % par rapport à la moyenne 2005-2008 ne recevra par exemple aucun quota gratuit pour 2013", précise-t-on au ministère de l'écologie.

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