jeudi 10 mai 2012

Florange : «On a affaire à un prédateur»

Le sort des hauts fourneaux d'ArcelorMittal de Florange, à l’arrêt depuis octobre 2011, doit se décider cet été, d’après la direction. Edouard Martin, leader CFDT emblématique de la lutte pour la survie de l'usine, ne se fait guère d’illusions sur ce qui attend les employés du site.

(Photo Jean-Christophe Verhaegen. AFP)

ArcelorMittal a publié aujourd’hui ses résultats pour le premier trimestre 2012. Et fait état de son optimisme sur ses performances économiques de l’année en cours. Cela pourrait-il relancer l’activité ?
Je n’ai même pas regardé les résultats trimestriels d’ArcelorMittal. Je suis fatigué de devoir commenter l’actualité, le moindre rebondissement, avec des journalistes. C’est la même rengaine depuis l'été dernier. Nous, on sait que Mittal ne changera rien. Mais s’ils essaient de fermer le site, on ne le laissera pas faire. Nous nous battrons. Quelque chose doit changer. Nous devons les faire plier. La peur doit changer de camp.
Lors d’une visite à Florange en février, François Hollande avait promis le dépôt d’une loi qui obligera les entreprises industrielles à céder un site dont elles veulent se séparer à un repreneur...
On jugera aux actes. C’est ce qu’on attend. François Hollande nous avait effectivement fait cette promesse. En attendant, la loi n’est toujours pas là, et elle ne va pas être votée tout de suite. Nous, on ne compte pas là-dessus. Mittal se croit intouchable. Ce qu’il fait n’est pas illégal, mais il nous a déjà tellement trompés, tellement menti...
Le 1er mars, Nicolas Sarkozy avait annoncé le déblocage d’une aide de 16 millions d’euros. Avez-vous vu des retombées ?
On nous demande toujours de réagir sur des propos d’hommes politiques qui ne changent rien à notre situation. Les 16 millions d’euros en question doivent être investis dans l’aval, et non pas dans l’amont, c’est-à-dire dans les aciéries. Il s’agit, entre autres, de remplacer un gazomètre, un appareil qui sert à stocker les gaz, qui était trop vieux et qu’il faut changer. Ce sont des réparations uniquement, et qui, en plus, ne doivent pas voir le jour avant l’horizon 2013 !
Qu’en est-il du projet Ulcos, porté par ArcelorMittal et financé en partie par l’Union européenne ? Il consiste à capter le CO² émis par les usines et à l’enterrer, ce qui ferait de Florange la première usine d’acier propre au monde et pourrait la relancer...
Pour le projet Ulcos, il faut demander à Barroso ! Toute l’affaire est entre les mains de la Commission européenne qui a pas mal tergiversé, retardé sa décision. On nous dit que cela sera prêt pour novembre, mais il y a déjà eu tellement de retournements qu’on ne peut même plus s’y fier. Jean-Claude Junker, qui est aussi le président de l’eurogroupe, est intervenu. ArcelorMittal a promis d’investir 200 millions d’euros au Luxembourg. Mais 50 millions d’euros sont directement fournis par l’Etat luxembourgeois. En plus, ArcelorMittal a suspendu sa promesse à une condition, toujours la même : «Si le marché le permet». En attendant, l’Etat luxembourgeois, lui, doit déjà avancer les 50 millions.
L'élection d'un nouveau président en France vous permet-elle d’envisager l’avenir autrement ?
Evidemment, avec Nicolas Sarkozy, ils auraient eu une autoroute pour licencier. Avec l’arrivée d’un président socialiste à l’Elysée, la donne va peut-être changer mais pour le moment, nous ne savons rien. La direction reste ancrée sur ses positions. Elle décidera du sort de Florange avant l'été, et puis c’est tout. Ils ne connaissent pas le dialogue social, ils ne connaissent pas la négociation. Ils nous disent, en substance, que nous n’avons qu'à nous plier à leur règle, que leur stratégie leur appartient et que nous, nous n’avons qu'à obéir.
Où en sont les négociations ?
Nous avons été très choqués par les propos de Lakshmi Mittal. On a affaire à quelqu’un qui ne sait même pas comment ça s'écrit, «social». Je suis fatigué de devoir commenter les propos et les agissements d’un bandit. Il est capable de dire blanc, puis de dire noir trois heures après. On a affaire à un prédateur. C’est un menteur, lui et son fils. Il a fait la même chose à Liège, en Belgique, mais aussi en Espagne et au Luxembourg. On connaît la technique. Chaque fois, c’est la même chose. Il annonce une fermeture d’usine, soi-disant à titre provisoire. Les choses traînent en longueur, et puis, d’un seul coup, le provisoire devient permanent. Et d’une fermeture temporaire d’une usine, on s’achemine vers la fermeture définitive et les licenciements.
L’annonce que le sort de l’usine sera décidé d’ici l'été ne vous rassure pas ?
C’est l’habitude de ce groupe, d’annoncer qu’il va décider du sort d’une usine à l'été, sachant très bien que la mobilisation sera moindre. L’usine, qui fonctionne déjà au ralenti, va encore ralentir son rythme. Cet été, les ouvriers seront en vacances. Après deux mois de flottement, à la rentrée, comment mobiliser ? Rien n’est laissé au hasard. Tout est finement calculé. C’est pourquoi l’annonce que le sort de Florange doit être réglé avant l'été, loin de nous rassurer, nous inquiète encore plus. Et moi, je m’attends à passer encore de très mauvais moments avant ce moment-là. La direction a pris des renseignements sur moi. Je sais qu’ils vont essayer de me faire sauter, de me virer. Dès que les choses se seront tassées, ils essaieront de me virer. Ce n’est pas parce qu’il y a changement de gouvernement que ma confiance en Mittal va remonter. Je n’ai plus du tout confiance en Mittal, lui et son fils. Ma confiance est largement tombée en-dessous de zéro. Nous ne pouvons pas parler avec ces gens-là.
Qu'allez-vous faire ?
Nous allons interpeller le gouvernement. Nous avons déjà envoyé une lettre avec l’intersyndicale, hier. Si François Hollande tarde à nous répondre, nous monterons à Paris manifester. On lui avait promis qu’on le ferait, de toute façon. On l’a déjà fait.

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