dimanche 18 novembre 2012

Qu’ont transmis les hommes du fer ?


Ces jours-ci, le réalisateur Emmanuel Graff ausculte la mémoire ouvrière de la sidérurgie pour La trace des pères. Celle des enfants et des petits-enfants. Il s’interroge sur la transmission, l’identité. Son film sortira en mai 2013.

Emmanuel Graff, le réalisateur (à gauche), aux côtés des sociologues Piero Galoro et Jean-Marc Leveratto, et de l’équipe de production messine de Faux-Raccord. Photo Maury GOLINI
La première séquence de La trace des pères s’ouvrira avec la marche des ArcelorMittal, de Florange à Paris. Un premier quart d’heure, pour ancrer les questions d’Emmanuel Graff dans le réel. Et regarder, aussi, derrière le mouvement collectif, la présence de « trois générations. Celle des trentenaires, des quadragénaires et des quinquagénaires. Les quadras luttent pour leurs emplois, les plus jeunes au nom des anciens », résume Emmanuel Graff.
Il y a trois ans, le réalisateur boucle L’héritage de l’homme de fer, sur les vestiges industriels, sur « ce haut fourneau toujours dans les têtes, même s’il a disparu du paysage ».
Aussitôt après, Emmanuel Graff se rend compte qu’un nouveau sujet s’impose de lui-même. Non pas les machines, mais les hommes. La trace des pères tient dans cette question : Comment se transmet cette mémoire du fer ? Par qui ? Avec qui ?

Classe sociale et parcours individuels

Produit par Faux-Raccord, jeune société messine, le documentaire promène son appareil photo numérique du campus du Saulcy, à Metz, à Longwy, de l’Allemagne au Luxembourg, avec une large part offerte à la vallée de la Fensch. En tout, plus d’une trentaine de personnes seront filmées.
Leur discours change, bien sûr, selon les générations, selon que le père a quitté les aciéries au mitan des années 1980 ou tout récemment. Selon aussi le pays d’origine… « Ce n’est pas la même chose d’être fils ou fille d’un immigré pousseur de wagons ou d’un mineur », valorisé, souligne Emmanuel Graff. Devant la caméra, certains parlent et d’autres se taisent. Le réalisateur a capté des ambiances, des rapports entre générations. Il observe : « Des familles où les jeunes évoquent un héroïsme ouvrier, construisent un mythe » et « d’autres où les mêmes se demandent ce qu’ils font là ». Des grands-pères se livrent, enfin, après s’être tus durant des années. Derrière la caméra, derrière les représentations collectives ou le mythe d’une classe sociale unie, chaque destin va apparaître, unique dans son parcours.
La fierté d’être un fils de sidérurgiste est parfois toute relative, liée à l’emprunt ou non de l’ascenseur social, à la possibilité ou non de s’identifier à un groupe, de trouver sa place, une forme de reconnaissance.
Le regard des filles, des femmes, n’est pas le même non plus, que celui des garçons, des fils. Le sentiment d’appartenance à la culture du pays d’origine peut l’emporter.
« Je ne fais pas un film à thèse, poursuit Emmanuel Graff. Il n’y a pas de couronnes de fleurs ni de nostalgie, on participe à un grand débat sur la transmission ». Le tournage doit s’achever mi décembre. Selon les vœux des producteurs, La trace des pères pourrait jouer sa carte sur trois formats. Un long de 90 mn pour les festivals, un 3x26 mn pour la télévision et des portraits de 10x6 mn en prime. Cela représente des centaines d’heures de montage, pour au final, multiplier les chances de re-transmission…
Olivier JARRIGE. 

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